La glande thyroide et les goitres : anatomie normale et pathologique bactériologie / par Arthur Riviere.

Date:
1893
    Heschl ont soutenu la possibilité de métastases de l'adénome bénin du corps thyroïde; il est vrai que le malade de Heschl est venu mourir cancéreux cachectique dans le service de Wœlfler qui histologiquement fit le diagnostic de carcinome. Wœlfier insiste d'ailleurs sur ce fait que les néo- formations métastatiques consécutives à une tumeur primitive du corps thyroïde se distinguent par la simpli- cité de leur forme et la présence de vésicules glandulaires normales. Ce n'est en somme que l'application sur un point particulier des idées générales de notre maître M. Bard sur l'histogenèse des tumeurs et la spécificité cellulaire. Il faut dire cependant que Wœlfler lui-même a décrit une métastase goitreuse dans l'os frontal présentant absolument les lésions histologiques de l'adénome intéracineux. Mais le corps thyroïde lui-même ne put être examiné ; ce qui enlève une partie de sa valeur à l'obser- vation puisque Eberth a décrit un cas d'épithélioma primitif du corps thyroïde avec noyaux secondaires dans le poumon reproduisant absolument le type histo- logique de la glande normale. Il nous paraît intéressant de citer à titre documentaire un certain nombre d'observations de ces curieuses métas- tases avec les opinions des auteurs compétents. Notre maître, le professeur Ollier, a observé un insti- tuteur qui eut à la suite d'un goitre kystique traité par les injections de teinture d'iode une tumeur à la fesse. L'examen microscopique ne fut pas fait, mais le diagnostic du goitre bénin avait été fait par notre maître et cela nous suffit pour que nous citions ce cas comme devant rentrer dans les goîtres métastatiques.
    Au 22" Congrès de la Société allemande de Chirurgie 12 au 15 avril 1893, von Eisehherg a fait une commu- nication sur les métastases produites par le goitre. Il pré- tend que ces métastases ne sont pas absolument exception- nelles chez les individus affectés d'adénomes simples de la glande thyroïde. Ces métastases se produisent soit dans les poumons soit dans le squelette. Le plus souvent elles sont uniques et peuvent donner lieu à des erreurs de diagnostic. Ainsi chez un homme de 38 ans atteint d'un petit goitre bénin depuis six ans il se développa sur le crâne une tumeur qu'un médecin chercha à enlever croyant avoir affaire à une tumeur bénigne. Une hémor- rhagie abondante l'obligea à refermer la plaie et à envoyer le malade à l'hôpital. La tumeur molle s'étendait à travers la paroi crânienne jusque sur la dure-mère; son ablation donna lieu à un abondant écoulement sanguin que l'on arrêta par le tamponnement. L'opéré guérit. L'examen microscopique démontra qu'il s'agissait d'un adénome avec des parties en voie de dégénérescence colloïde. On peut au point de vue clinique désigner cette tumeur sous le nom d'adéno-carcinome. L'opéré put reprendre son travail. Il se produisit dans la suite un petit noyau de récidive dans la plaie, mais qu'on n'enleva pas, le néoplasme paraissant rester stationnaire. Quant à la glande thyroïde, elle présentait une augmentation de volume ayant tous les caractères d'un simple adénome. Il présente également le crâne d'un individu affecté d'un adénome de la glande thyroïde ; sur ce crâne s'étaient développés deux noyaux métastatiques de nature adénomateuse. Dans un autre cas c'était l'humérus qui était le siège d'une assez grosse tumeur développée dans
    l'intérieur de Tos et simulant un sarcome. Enfin dans un quatrième cas il existait deux tumeurs métastatiques, l'une dans les poumons et l'autre dans l'humérus. Ces métastases sont relativement bénignes et peuvent être opérées avec succès d'autant plus qu'elles n'ont pas le caractère de multiplicité des métastases carcinomateuses. On ne devra donc pas hésiter à les opérer. En outre on fera bien dans ce cas d'extirper le goitre, cause de la métastase afin de prévenir de semblables complications. Kraske a opéré une femme de 30 ans pour une tumeur du crâne ; elle avait en outre un goitre de petit volume. L'extirpation de la tumeur crânienne donna lieu à une abondante hémorrhagie. Il dut réséquer une portion de l'os frontal et de la dure-mère à laquelle la tumeur était adhérente. L'opération a été faite il y a trois ans — et il n'y a pas eu de récidive. — Quant au goitre il est de petit volume et ne gêne pas l'opérée de sorte que Kraske n'a pas insisté pour son ablation. La tumeur du crâne s'était développée assez rapidement pour faire supposer une tumeur maligne et cependant à l'examen microscopique il s'agissait d'une métastase adénomateuse de la glande thyroïde. Riedel a vu opérer à Gœttingue un individu affecté d'une tumeur d'apparence sarcomateuse du maxillaire inférieur. A l'examen microscopique de la tumeur qui avait débuté dans l'os lui-même, on reconnut qu'il s'agissait d'un simple adénome. — Dix ans après, il apprit que ce malade était mort, huit ans après l'opération sans récidive. Depuis lors, il a opéré un cas absolument semblable d'adénomemétastatique du maxillaire inférieur. Au point de vue bistologique, il s'agissait d'une adénome
    avec des foyers de dégénérescence colloïde. Il est donc d'avis que la désignation d'adéno-carcinome est fausse et doit être rejetée. Von Eiselh&rg a adopté cette désignation au point de vue clinique seulement, dans le but de faire ressortir ce caractère de malignité qui manque dans les adénomes en général. Par contre, au point de vue histologique, il reconnaît qu'il s'agit de métastases purement adénoma- teuses. Gussenhauer a observé une métastase adénomateuse chez une femme affectée d'un goitre bénin et assez volu- mineux. La maladie avait débuté par des douleurs dans les membres inférieurs simulant une sciatique double. — Après avoir subi sans succès un grand nombre de traitements, la malade chez laquelle s'était développée une cypho-scoliose fut considérée finalement par un médecin comme atteinte du mal de Pott, diagnostic que semblait confirmer le développement d'une tumeur molle parais- sant fluctuante. Une incision pratiquée dans le soi-disant abcès fit reconnaître l'erreur et la malade fut envoyée à l'Hôpital. Outre le goître. elle avait une tumeur occupant les trois dernières vertèbres dorsales. Elle était paraplégique probablement par compression de la moelle par le néo- plasme. — On tenta l'extirpation de la tumeur. — Forte hémorrhagie qui ne put être arrêtée que par le tampon- nement. — La tumeur avait eu pour point de départ la partie latérale des corps vertébraux et s'était étendue dans le canal médullaire — refoulant et comprimant la moelle. — L'opérée a survécu ; mais la paraplégie est restée sans changement. D'ailleurs, elle vit encore ; mais avec une récidive au niveau delà cicatrice. — L'examea
    histologique a montré qu'il s'agissait d'une métastase adénomateuse du goitre. En juin 1893, à la Société des Médecins de Vienne, le D' Ewald a présenté deux femmes atteintes de métastases thyroïdiennes. L'une d'elles, âgée de 40 ans, offrait une tumeur à l'angle de l'omoplate, la deuxième, âgée de 26 ans, portait une tumeur de la grosseur d'une noix au niveau de l'arcade zjgomatique. L'examen histologique permit de reconnaître dans les deux cas l'existence du tissu thyroïdien fœtal. Personnellement nous aurions tendance à conclure de ces faits que cliniquement et anatamo-pathologiquement le goitre métastatique est une tumeur maligne. — Evi- demment ce goitre peut évoluer lentement et paraître à un chirurgien qui ne suit pas le malade essentiellement bénin : mais les métastases récidivent, se généralisent et tôt ou tard les malades se cachectisant deviennent de vrais cancéreux. Microscopiquement on reconnaîtra ordi- nairement dans ces goitres les caractères des épithélioma. Un fait qui a dû induire en erreur un certain nombre d'observateurs est la fréquence d'un goitre antérieur chez les cancéreux thyroïdiens : il est difficile dans ces cas de dire quand commence le néoplasme malin.